Scoliose, chirurgie et rééducation, une association qu’il ne faut pas manquer pour un résultat optimisé.

Notre expérience quotidienne nous amène à constater combien fréquentes sont les situations cliniques de déséquilibre musculaire global de l’appareil locomoteur, de tensions profondes non seulement sur le plan musculaire, mais aussi comportemental, susceptibles d’affecter les contraintes qui s’appliquent sur la seule chose que l’on examine de façon obligatoire : le squelette, par l’intermédiaire des radiographies standard. Celles-ci ne constituent en fait qu’une « ombre » qui ne donne que des renseignements très partiels sur l’ensemble de l’appareil locomoteur.


Un examen musculaire soigneux est d’autant plus important que le patient non seulement ignore tout de ses rétractions musculaires, mais en plus, est figé dans ce schéma comportemental et proprioceptif (sentir le positionnement précis des différentes parties du corps). En post-opératoire, avec la meilleure des corrections chirurgicales d’un déséquilibre rachidien, il aura tendance à reproduire de façon inconsciente ces mêmes déséquilibres. Il s’agit d’un schéma identique qui aboutit à l’échec du traitement chirurgical d’un torticolis congénital lorsqu’il est opéré après seulement quelques mois de vie, car le schéma proprioceptif d’inclinaison de la tête est alors trop ancré, malgré une souplesse correcte après la chirurgie.


Le travail de rééducation est donc d’abord et surtout un travail de prise de conscience de l’état dans lequel le patient se trouve en terme de schéma comportemental et tensions musculaires, rétractions articulaires : devenir conscient de son corps par le développement des perceptions, plus que développer un renforcement musculaire, même accompagné d’étirements, dont on connait les limites chez des patients qui ont déjà des escalades importantes de compétitions entre des muscles surutilisés par les tensions chroniques.

Le travail n’est donc pas tant moteur, que sensitif profond, et il s’agit d’un travail de longue haleine où la participation active du patient est recherchée, afin qu’il en éprouve progressivement du plaisir. Sans plaisir au travail corporel, le travail physique personnel sera forcément de courte durée, aboutissant à terme à l’abandon d’un travail corporel jugé indispensable sur la durée, et pas seulement en préopératoire, mais aussi en postopératoire, pour la vie du patient : ce principe est d’autant plus vrai que le patient a un nombre important de vertèbres fusionnées, imposant une répartition des contraintes la plus harmonieuse et légère possible sur les vertèbres mobiles restantes, en travail statique et dynamique.

Le travail rééducatif insiste aussi sur la prise de conscience proprioceptive de la charpente osseuse,
qui favorise l’intégration structurelle de cette partie indispensable de notre appareil locomoteur souvent oubliée ou sous-estimée dans la kinésithérapie classique : le squelette. C’est accorder tout le mérite à des techniques kinésithérapiques telles que les chaînes musculaires GDS abordées dans un autre article.
Tout excès de tension musculo-aponévrotique non seulement du tronc, mais de l’ensemble de l’appareil locomoteur, aboutit obligatoirement à un travail en fatigue plus important au niveau de la zone de greffe vertébrale, pouvant favoriser le bris de matériel si ces déséquilibres interviennent avant la fusion osseuse, et favoriser une poursuite de l’évolution des déformations de part et d’autre de la zone greffée si l’arthrodèse a pu fusionner.


C’est dans le cadre de ce travail global sur l’appareil locomoteur pour diminuer de façon globale les tensions excessives, que s’ajoute au travail purement rééducatif, un travail associé de relaxation sur un plan plus général : devenir « plus zen » dans la vie de tous les jours évite la mise en jeu inutile des muscles qui se tendent automatiquement en cas de stress. Le travail de la respiration, en particulier abdominale, se situe au carrefour entre rééducation et travail de détente, par exemple avec des techniques (non exclusives) de sophrologie.

Et si l’on veut être moins stressé dans la vie de tous les jours, il est intéressant, parfois, et même souvent, de comprendre les mécanismes psychologiques de notre éducation, schémas de vie qui ont aboutis à ces mécanismes de tensions, là encore inconscients pour la plupart des patients (dont nous faisons partie à titre potentiel) : le recours à une équipe de psychologues et sophrologues est donc maintenant systématique dans notre pratique depuis plus de 12 ans : le psychologue ne constitue pas un outil utilisé comme la prise de sang ou le scanner pour autoriser ou contrindiquer un acte chirurgical considéré comme utile au vu du bilan radio-clinique : il s’agit d’un réel travail d’équipe où kinésithérapeutes, médecins de rééducations, chirurgiens, sophro et psychologues comprennent l’intérêt que représente leurs participations respectives dans le développement d’un certain bien-être global du patient.

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Ce travail d’équipe est aussi indispensable afin que le patient s’adapte à sa nouvelle vie après un geste chirurgical qui lui interdira la plupart du temps de reprendre des activités physiques comparables à celles qu’il avait avant que ses problèmes de dos se déclenchent. De l’acceptation des limites physiques que le patient va percevoir plus finement grâce à ce travail proprioceptif progressif, va aussi dépendre la qualité du résultat chirurgical et global à long terme. Il y a donc un travail d’acceptation du handicap à effectuer progressivement par chaque patient. Il faut aider le patient à une reconversion de vie plus qu’une simple reconversion professionnelle qui ne suffit pas toujours.


D’une revue de 40 patients suivis et opérés dans le service pour des déformations rachidiennes avec un recul de plus de 2 ans, il apparait que seuls 2 patients ont été réopérés : le premier pour une pseudarthrose du niveau supérieur L2L3 chez un patient travailleur de force qui pour de multiples raisons (professionnelles, familiales…) a continué à s’imposer des efforts largement au-dessus des tolérances de son rachis. Le 2è patient, parkinsonien, a été perdu de vue à 2 mois post-opératoire en raison d’une décompensation importante de sa maladie parkinsonienne, et revu uniquement à 3 ans post-opératoire avec une accentuation de sa déformation rachidienne au-dessus de la zone instrumentée (D10).


Ces résultats d’une prise en charge globale semblent donc favoriser une amélioration de la qualité de vie des patients tout en diminuant de façon importante le taux de reprises opératoires dans cette petite série opérée par un seul chirurgien.