Mme B., 62 ans, consulte pour des douleurs lombaires importantes, d’apparition récente, 1 an après une intervention pour scoliose réalisée par un collègue. Il s’agissait d’une scoliose lombaire dégénérative avec déséquilibre antérieur et latéral du tronc, avec une bonne correction de la déformation. Les radiographies récentes montrent un bris de tige lombaire, la scintigraphie et le scanner montrent une zone de non-consolidation de la greffe osseuse.
A l’examen clinique, la patiente a de très importantes rétractions musculaires de l’ensemble des muscles antérieurs du tronc, entraînant des contractures permanentes importantes des muscles postérieurs du tronc pour tenter de pallier ce déséquilibre antérieur du tronc. La patiente a cependant un équilibre global statique du rachis satisfaisant sur le plan radiographique.
La patiente est traitée de façon conservatrice avec mise en place d’un corset, rééducation en hospitalisation pour réduire progressivement les rétractions musculaires de la partie antérieure du tronc. Les douleurs s’améliorent progressivement, les scintigraphies et scanners successifs montrent l’amélioration des images de non consolidation de l’arthrodèse. La patiente est invitée à poursuivre son programme de rééducation en externe, avec des exercices à faire à domicile de façon quotidienne, des séances de kinésithérapie hebdomadaires et un suivi semestriel en consultation.
Deux ans après la consultation initiale dans notre service, à 3 ans post opératoire, la patiente est pratiquement asymptomatique et mène une vie sédentaire normale.LA consolidation osseuse est bonne sur le scanner et la scintigraphie osseuse. Il n’y a pas de modification du bon équilibre acquis en post-opératoire par la chirurgie.
D’après notre expérience, la constitution de pareilles rétractions musculaires demande de nombreuses années, rétractions qui préexistaient très certainement à la chirurgie effectuée un an plus tôt : c’est du reste notre constatation quotidienne pour des patients vierges de toute chirurgie et devant justifier d’un programme chirurgical.
Quelle a été le rôle de la rééducation ? Permettre à la greffe osseuse faite par le chirurgien de travailler dans de meilleures conditions mécaniques, par la diminution des contraintes musculaires de déséquilibre antérieur: ce sont les mêmes principes que ceux prônéspar les chirurgiens, citons en particulier Harms.
Même s’il ne s’agit que d’une hypothèse, notre sentiment est que le travail de décontraction musculaire effectué permet aussi une meilleure oxygénation de toute la musculature en particulier profonde du rachis et du tronc qui ne peut qu’être bénéfique à l’acte chirurgical, ses suites opératoires, et la qualité de la greffe obtenue.
Le succès du traitement de cette pseudarthrose, dont la solution est réputée purement chirurgical, par un programme conservateur, aide à comprendre comment appliquer les mêmes principes rééducatifs de façon préventive comme préparation préopératoire pour mettre le patient dans les meilleures conditions de succès chirurgical, non seulement à court terme, mais si possible à moyen et long terme.
Notre expérience quotidienne nous amène à constater combien fréquentes sont les situations cliniques de déséquilibre musculaire global de l’appareil locomoteur, de tensions profondes non seulement sur le plan musculaire, mais aussi comportemental, susceptibles d’affecter les contraintes qui s’appliquent sur la seule chose que l’on examine de façon obligatoire : le squelette, par l’intermédiaire des radiographies standard. Celles-ci ne constituent en fait qu’une « ombre » qui ne donne que des renseignements très partiels sur l’ensemble de l’appareil locomoteur, même si on y inclue paramètres pelviens, gîte sagittale…